"In the name of the land"

The fight over the last ressources


"Au nom de la terre"

Le combat pour les dernières ressources


Far North Cameroon

2017 - 2022


(Made with UNHCR, the UN refugee agency)

1ère Partie: Missiska


Part 1: Missiska

10 août 2021: de violents affrontements éclatent entre deux communautés de l'Extrême Nord du Cameroun. En quelques jours, les villages d'éleveurs Arabes et de pêcheurs Mousgoums s'embrasent dans cette région reculée frontalière du Tchad, tuant des dizaines de personnes et contraignant plusieurs milliers à trouver refuge de l'autre côté de la frontière. 


Jamais la région n'avait connu de telles violences, et si la défiance et la compétition entre les deux communautés à régulièrement été source de tensions dans le passé, c'est cette fois ci autour du partage des ressources naturelles que la violence s'est cristallisée, embrasant toute la région. 


Sur des dizaines et des dizaines de kilomètres s'égrainent les villages brûlés, dans lesquels ne sont restés que quelques vieillards traumatisés. 


August 10, 2021: Violent clashes erupt between two communities in the Far North of Cameroon. Within days, the villages of Arab herders and Mousgoum fishermen were set ablaze in this remote region bordering Chad, killing dozens of people and forcing several thousand to seek refuge on the other side of the border. Never had the region experienced such violence, and if mistrust and competition between the two communities had regularly been a source of tension in the past, it was this time around the sharing of natural resources that the violence took place. crystallized, setting the whole region ablaze. Over tens and tens of kilometers are scattered the burnt villages, in which only a few traumatized old men remained.

D’un pas hésitant, Robert explore les ruines de sa maison calcinée et marmonne : « Ils nous ont eus, ils nous ont eus. »


« Ils », ce sont les éleveurs arabes Choa. Leurs relations avec les pêcheurs et les agriculteurs Musgum, l’ethnie à laquelle appartient Robert, se sont détériorées avec la diminution des pluies dans la plaine inondable du Logone-Birni, asséchant les rivières et les étangs saisonniers dont les deux communautés dépendent pour leur subsistance.


Hesitantly, Robert explores the ruins of his charred house and mutters, “They got us, they got us. »  

“They” are the Shoa Arab herders. Their relationship with Musgum fishermen and farmers, Robert's ethnicity, has deteriorated as the rains dwindle in the Logone-Birni floodplain, drying up seasonal rivers and ponds that both communities depend on for their livelihoods.

Dans le village vidé de ses habitants, tout est détruit. Au sol, entre les cadavres d'oiseaux calcinés et la vaisselle brisée, gisent des frondes avec lesquelles les assaillants ont attaqué. 


In the village emptied of its inhabitants, everything is destroyed. On the ground, between the charred corpses of birds and the broken crockery, lie slingshots with which the assailants attacked.

Vu du ciel, l'ampleur des destructions est impressionnante. Des dizaines de villages ont été ainsi détruits. 


Seen from the sky, the extent of the destruction is impressive. Dozens of villages were thus destroyed.

La source de la dispute se situe à quelques encablures du village, où s'étendent côte à côte d'immenses bassins artificiels.

Face a la raréfaction de l'eau, les agriculteurs Musgum ont réagi en creusant ces vastes bassins pour retenir l’eau et les poissons pendant la saison sèche. 


Mais ces réservoirs profonds, indispensables aux Musgum, constituent des pièges mortels pour le bétail des éleveurs Choa.


Les animaux glissent sur les pentes raides, se cassent les pattes et se noient parfois.


C'est l'une de ces noyades qui a déclenché l'attaque de Missika, le village de Robert, le 10 août dernier. « Les éleveurs Choa sont venus boucher les trous que nous avions creusés », explique-t-il. « En fait, ils voulaient que nous rebouchions nous-mêmes les trous le jour même. Si nous ne le faisions pas, nous étions morts, disaient-ils ».


Les affrontements qui ont suivi entre éleveurs et pêcheurs ont fait 45 morts et 74 blessés. Dix-neuf villages ont été incendiés et plus de 23 500 personnes ont été contraintes à prendre la fuite.


The source of the dispute is located not far from the village, where huge artificial basins stretch side by side.  


Faced with water scarcity, Musgum farmers have responded by digging these vast ponds to hold water and fish during the dry season. 


But these deep reservoirs, essential to the Musgum, constitute deadly traps for the cattle of the Choa herders. The animals slip on the steep slopes, break their legs and sometimes drown. It was one of these drownings that sparked the attack on Missika, Robert's village, on August 10. “The Choa herders came to plug the holes we had dug,” he explains. “In fact, they wanted us to plug the holes ourselves the same day. If we didn't, we were dead, they said. The ensuing clashes between herders and fishermen left 45 dead and 74 injured. Nineteen villages were burnt down and more than 23,500 people were forced to flee.

Dans le village voisin, les éleveurs arabes ont aussi tout perdu dans les affrontements. Les maisons traditionnelles sont toutes décapitées, et leurs murs noircis par les flammes. 


In the neighboring village, the Arab herders also lost everything in the clashes. The traditional houses are all decapitated, and their walls blackened by the flames.

Les deux communautés, qui ont toujours vécu côte à côte, sont entrées dans un cycle de violence que personne ne semble prêt à arrêter. Dans cette région du monde où le quotidien est si difficile, et que les services publics ne parviennent à atteindre, chacun veut désormais se faire justice soi-même. 


The two communities, which have always lived side by side, have entered a cycle of violence that no one seems ready to stop. In this region of the world where daily life is so difficult, and where public services are unable to reach, everyone now wants to take justice into their own hands.

Dans la plaine désespérément désertique, chacun espère le retour de l'eau, sans grand espoir:

« Il n’y a rien de vert cette année », déplore Aboukar Mahamat, coordinateur de l’Association camerounaise pour l'éducation environnementale. « Il y a des dizaines de villages dans le Logone-Birni où les gens n’ont rien récolté, que ce soit du riz, du maïs ou du millet ».


Il relève également le fait que de grands groupes d’éleveurs qui restent en règle générale dans le bassin du lac Tchad affluent dans la plaine d’inondation du Logone cette année.


« Cette année et dans les années à venir, nous pouvons nous attendre à des tensions autour des plans d’eau et des plaines d’inondation car tout le monde y converge », prédit-il.


In the desperately desert plain, everyone hopes for the return of water, without much hope: “There is nothing green this year,” laments Aboukar Mahamat, coordinator of the Cameroonian Association for Environmental Education. 

“There are dozens of villages in Logone-Birni where people have not harvested anything, be it rice, corn or millet.” He also notes that large groups of herders who typically stay in the Lake Chad Basin are flocking to the Logone floodplain this year.

“This year and in the years to come, we can expect tensions around water bodies and floodplains as everyone converges there,” he predicts.

2ème partie: les déplacés du climat


Par 2: the climate displaced

A plusieurs centaines de kilomètres de là, dans la localité de Bogo, 20,000 déplacés internes ont trouvé refuge sur une terre désertique où ne subsistent que quelques arbres qui seront bientôt coupés pour construire des abris de fortune ou cuisiner. 

Ici, l'essentiel de déplacés sont des personnes âgées, des jeunes femmes ou des personnes vivant avec un handicap. 

Mais dans un environnement déjà fragile, cette pression humaine supplémentaire risque de créer de nouveaux conflits avec les communautés d'accueil autour de l'accès à l'eau et au bois. 

Très rapidement, les acteurs humanitaires intègrent le reboisement de la zone dans leur réponse d'urgence. Désormais, la préservation de l'environnement est aussi importante que l'abri, la santé, la nutrition ou la scolarisation. C'est un besoin vital pour les communautés qui évite de nombreux conflits à venir. 



Very quickly, the humanitarian actors integrated the reforestation of the area into their emergency response. From now on, the preservation of the environment is as important as shelter, health, nutrition or schooling. It is a vital need for communities that avoids many future conflicts. 

3ème partie: planter des arbres dans un désert. 


Part 3: planting trees in a desert

L'absolue nécessité d'intégrer la question environnementale dans la réponse humanitaire n'a été comprise que tardivement. Mais c'est dans le camp de réfugiés nigérians de Minawao, lui aussi situé à l'Extrême Nord du Cameroun, que des réponses ont été trouvées à ce défi incontournable



The absolute necessity of integrating the environmental question into the humanitarian response was only belatedly understood. But it is in the Nigerian refugee camp of Minawao, also located in the Far North of Cameroon, that answers have been found to this inescapable challenge. 

Avec l'arrivée de 70,000 réfugiés en 2014, l'environnement a été dévasté, générant des conflits violents avec les populations d'accueil. 


Pour répondre à ce problème, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés a misé en 2018 sur une nouvelle technologie  permettant de faire pousser des arbres en milieu désertique. En cinq ans, plus de 200,000 arbres ont été plantés afin de réconcilier les communautés humaines et leur environnement. 


With the arrival of 70,000 refugees in 2014, the environment was devastated, generating violent conflicts with the host populations. 

To respond to this problem, UNHCR, the United Nations Refugee Agency, bet in 2018 on a new technology to grow trees in desert environments. In five years, more than 200,000 trees have been planted in order to reconcile human communities and their environment.

Janvier 2018: mise en terre des premiers cocons qui nourriront de jeunes plants au goutte à goutte. 



January 2018: planting of the first cocoons that will feed young plants drop by drop. 

Cinq ans plus tard, les résultats sont au delà des espérances. Avec près de 300,000 arbres plantés, la nature reprend peu à peu le dessus sur la sécheresse et de larges portions boisées offrent désormais de l'ombre et des nutriments pour les cultures, les Hommes et les animaux. 



Five years later, the results are beyond expectations. With nearly 300,000 trees planted, nature is gradually gaining the upper hand over drought and large wooded areas now provide shade and nutrients for crops, people and animals. 

"Le lien entre l'arbre et les oiseaux semble naturel. Mais l'alliance de l'arbre avec les Hommes est elle assez prise en compte par nous ? Sommes nous conscients que nous ne pouvons trouver dans la nature compagnon plus fiable et plus durable ? Cet être debout comme nous, qui depuis les profondeurs du sol tend résolument vers le haut, nous rappelle que notre être tient tout autant de la terre que du ciel. (...) Il arrive qu'au coeur du désert, ou à l'horizon d'une plaine, se dresse un arbre seul. Cela suffit aux nomades que nous sommes pour que nous ne nous sentions plus seuls, pour que la création ne nous semble plus vaine." François Cheng


The connection between the tree and the birds seems natural. But is the alliance of the tree with men sufficiently taken into account by us? Are we aware that we cannot find a more reliable and durable companion in nature? 

This being standing like us, which from the depths of the ground tends resolutely upwards, reminds us that our being is as much of the earth as of the sky. (...) It happens that in the heart of the desert, or on the horizon of a plain, stands a single tree. That's enough for the nomads that we are so that we no longer feel alone, so that creation no longer seems futile to us." 

François Cheng
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