Entre le marteau et l'enclume

Fuir le Darfour pour la République Centrafricaine



Between the devil and the deep sea fleeing Darfur to Central African Republic



RCA, 2022


En commande pour le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés

La crise soudanaise a provoqué le déplacement de plus de près d’1,4 millions de personnes. La majorité d’entre eux ont été déplacés à l’intérieur du pays, et plus de 300,000 dans les pays voisins et particulièrement au Tchad et en Egypte, qui accueillent 250,000 d’entre eux.


Mais ce mouvement de populations civiles vers la République centrafricaine, que l’actualité a déjà rendue tristement célèbre ces dernières années, révèle quelque chose des drames qui secouent la région entière, et qui place les réfugiés entre le marteau et l’enclume. 

Doucement, le sable se soulève sous l’effet d’une légère brise bienvenue. Il fait plus de 45 degrés à l’ombre et chaque filet d’air arrive comme un cadeau pour les 10,000 demandeurs d’asile soudanais qui ont trouvé refuge dans le village d’Amdafock, en République centrafricaine.


Et le temps d’un battement de cil, la tempête commence. Tout ce qui n’est pas amarré s’envole.


Entassés sous les abris, on tente de retenir les bâches qui claquent dans un bruit assourdissant.


Un vieil homme au boubou blanc avance doucement dans la bourrasque, luttant contre le vent tout en affichant un sourire amusé : il est un survivant de la guerre et la tempête n’aura pas sa peau. 


Ici, la vie est dure. Pas d’eau, pas d’électricité, pas d’abri pour accueillir les naufragés -majorité des femmes, d’enfants et de vieillards- des violences qui continuent de secouer le Darfour voisin, drainant chaque jour plusieurs centaines de nouveaux arrivants. L’assistance humanitaire parvenue jusqu’ici -notamment alimentaire- est insuffisante face à l’afflux. 

A la hâte, quelques « hangars », précaires abris de branches et de bâches ont été élevés. Pas assez pour offrir toit à tout le monde : les autres familles dorment à la belle étoile. Les gens ont terriblement soif. Le petit forage du village ne peut pas offrir suffisamment d’eau aux nouveaux arrivés. Toute la journée, des chevaux loués par une ONG centrafricaine font les allers-retours transportant des barils de 400 litres d’une eau brulante, et autour desquels se pressent les réfugiés en agitant leurs bidons vides.

Nous sommes trop près de la frontière : bandits et groupes armés rôdent non loin. L’enjeu sécuritaire est de taille. Ici La frontière n’existe que sur le papier et sur le site, quelques jeunes que l’on soupçonne d’appartenir à des groupes armés posent des questions, se penchent sur l’épaule des humanitaires chargés de l’enregistrement, et font les allers retours entre la Centrafrique et le Soudan, l’air de rien.


Le 25 mai, un véhicule d’une ONG a été attaqué sur la route et son chauffeur abattu par des bandits de grand chemin. L’annonce est arrivée en soirée. Une prière silencieuse suspend le temps, et la peur s’installe. « J’ai la trouille. Du matin au soir j’ai la trouille », lâche l’employé d’une ONG.


Aux abords du site, les « Zambats », casques bleus Zambiens sont en sous nombre. Ils peuvent au mieux dissuader les coupeurs de route, mais ne feraient pas le poids si des combattants venaient à mener une expédition.  

Bobo Kitoko, de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), coordonne leur enregistrement : « Le grand défi c’est l’accessibilité, parce que dès que les pluies commenceront dans cette zone nous serons coupés du monde. Nous sommes en train de courir derrière le temps pour les enregistrer avant que la pluie ne nous trouve ici et pour les relocaliser à Birao, situé à 70 kilomètres d’ici ».


D’Amdafock à Birao, la distance à vol d’oiseau n’est pas immense, mais dans cette région du monde, les kilomètres de se comptent pas de la même manière. En l’absence de routes, il faudrait 4 heures dans des conditions idéales et avec de bons véhicules pour y arriver. Mais dans la réalité, entre les bourbiers et les pannes dues à la vétusté des seuls véhicules disponibles, le trajet peut durer jusqu’à 8 heures, sans compter l’aspect sécuritaire.

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