"Les pirogues disparues de l'Oubangui"


Dans le chaos centrafricain






"The missing boats of Oubangui"


Inside the chaos of Central african republic





Central african republic - Centrafrique




2011 - 2014





(From different stories made in collaboration with AFP, Le Point & Triangle génération humanitaire)

Introduction:


En 2011, je prenais une photo de touriste. C'était mon tout premier séjour en Centrafrique. A Bangui, comme chaque année le 1er décembre, jour de fête nationale, se déroulait la traditionnelle course de pirogue, et c'est tranquillement installé sur un bar-plage sur les rives du fleuve Oubangui que nous avons assisté à la course avec quelques amis humanitaires.


Une course de pirogue. Dit comme ça, cela n'a l'air de rien. En réalité c'est une compétition particulièrement impressionnante, féroce même, quand des dizaines de pirogues embarquant chacune une quarantaine de rameurs s'élancent sur un fleuve aux eaux pas toujours tranquilles, s'entrechoquant et chavirant, parfois.


Sur les rives, des centaines et des centaines de Banguissois applaudissaient les concurrents.

La lumière était magnifique, alors j'ai fait une photo de touriste. Et elle a plu ma photo. Elle a tellement plu qu'aujourd'hui, plusieurs de mes amis l'ont quelque part, encadrée. Cette image, je l'ai vue et revue des dizaines de fois, jusqu'à m'en lasser. 


Pourtant je me suis toujours dit que cela vaudrait sans doute le coup, à l'occasion, de retourner dans ces courses de pirogue, et pourquoi pas d'embarquer... cela ferait de belles images ?


Seulement voilà. Deux ans plus tard la course de pirogue à laquelle les Banguissois sont si attachés n'a pas eu lieu. Le petit bar plage depuis lequel j'ai fait cette photo a été pillé, détruit, brûlé. Lors de mon dernier séjour, je suis passé devant, et n'y ai trouvé que des combattants aux uniformes dépareillés, simplement assis là à regarder le fil de l'eau.


J'avais découvert l'Oubangui-Charri avec cette photo, et j'avais trouvé ce fleuve magnifique, en particulier tôt le matin à la saison des pluies, lorsque la brume laisse apparaître l'autre rive petit à petit. De l'autre côté, c'est la République démocratique du Congo.

En revenant quelques mois plus tard à Bangui, tout avait changé. Le fleuve aussi. Désormais à rythme régulier, il rejetait des cadavres anonymes, ligotés. De symbole d'union nationale il était devenu le symbole de la crise, des exactions, des règlements de comptes.


Des humanitaires qui m'avaient emmenés là, la plupart ont subi le pillage, les violences. Certains se sont retrouvés à genoux, canon sur la tempe, lors de l'entrée de Michel Djotodia et de l'ex-rébellion Séléka dans la ville. La plupart sont partis, d'autre sont revenus. Mais rien n'est plus pareil. Leur mission quotidienne « de développement » a laissé la place à l’urgence, et quelle urgence…


Pendant un temps, juste avant et après la prise de Bangui, le fleuve a vu d'autres pirogues, nombreuses, de centrafricains paniqués et déterminés à passer la frontière naturelle pour se rendre dans le pays d'en face, lui aussi en proie à des violences terribles. Mais comme me le racontait un postulant au départ « au moins là-bas, ce n’est pas notre guerre ».

Bien sûr, avant la Séléka, la vie n'était pas rose à Bangui. Le pays souffrait déjà de violences armées, les enfants des rues arpentaient les artères de la capitale hier comme aujourd'hui, mais par une belle journée de décembre, je m'étais pris à jouer le touriste.


J'y ai encore fait beaucoup de photos lors des séjours qui ont suivi: des photos de rebelles, d'enfants soldats, d'hôpitaux, de vies brisées. Mais bien sûr, celles-là, je ne pense pas que les copains auront envie de les mettre dans leurs salons.

J'aurais aimé pouvoir ouvrir une toute petite parenthèse dans la crise, et capturer à nouveau la course de pirogue du 1er décembre, durant laquelle nous aurions pu faire semblant que tout va bien.


Raté. Cette année, les festivités ont toutes été annulées.



(Texte tiré du blog de l'A.F.P "Making of" https://correspondent.afp.com/node/2304 )

1ère Partie: "Rien devant"






Part 1: "Nothing ahead" 

Mars 2013.


Le chef rebelle Michel Djotodia a réussi un coup de maître en unissant différentes factions rebelles centrafricaines, appuyées par de nombreux mercenaires venus de pays voisins.


Il n’a suffit que de quelques mois pour que la coalition Séléka ne s’empare du pays presque sans combats, face à une armée centrafricaine en déroute.


Après un simulacre de négociations, la rébellion s’est emparée de Bangui un matin de mars à l’issue de rapides combats menés en premier lieu par des enfants généralement « recrutés » sur la route.


Le Président Bozizé a fui en hélicoptère et la rébellion –de majorité musulmane- règne désormais sur la ville qu’elle pille sans relâche.





March 2013


The rebel leader Michel Djotodia realised a master stroke by uniting different centrafrican rebel factions, leaned by soldiers of fortune coming from neighbour countries.


It took only a few months for the Séléka to seize the country, putting the national army to flight.

After a sham negociation, the rebellion seized Bangui in march, as the outcome of a battle mostly carried out by children « recruited » on the way.


President Bozizé escaped by helicopter and the rebels –a majority of muslims- reign from now on the city that she loots tirelessly

Bangui, Centrafrique. Portrait d'un combattant de l'ex-rébellion Sélka du camp "RDOT" situé à la sortie nord de Bangui.
Bangui, Centrafrique. Portrait d'un combattant de l'ex-rébellion Sélka du camp "RDOT" situé à la sortie nord de Bangui.

En 2014, environ 10.000 enfants ont été utilisés par différents groupes armés en Centrafrique.


Souvent envoyés en première ligne, ils sont rompus à l'usage de drogues telles que la Tramadol, un antidouleurs puissant.



In 2014, around 10.000 children have been used by different armed groups in Central African Republic.


Regularly sent in front line, they used to take drugs like the Tramadol, a powerful painkiller.


Moussa, 17 ans, a déjà servi 4 ans dans différents groupes armés avant de rejoindre la Séléka. 


Dans le centre de reception pour enfants soldats de l'ONG italienne Coopi, il attend de pouvoir retrouver sa famille. 



Moussa, 17, having served 4 years in various armed groups before joining the Seleka rebels, sits in the Italian NGO Coopi reception centre for child soldiers in Bangui on July 22, 2013. He waits to be able to rejoin his family.

Delphin, un enfant soldat recueilli par l'ONG "La voix du coeur" a fait partie de la première vague d'assaut de la Séléka, au cours de laquelle il a perdu son meilleur ami. Pendant plusieurs heures, il raconte les combats auxquels il a participé. 



Delphin is a child soldier now living with the local NGO "La voix du coeur". He took part in the first wave of assault on Bangui, meanwhile he has lost his best friend. 


For hours, he describes the battles in which he participated. 

Deux enfants soldats attendent au centre de reception pour enfants soldats de l'ONG italienne Coopi de pouvoir retrouver leur famille  


Two former child soldiers are waiting in the Italian NGO Coopi reception centre for child soldiers  to be able to rejoin his family.

Face aux exactions du nouveau pouvoir en place, des centaine de milliers de civils chrétiens se réfugient dans des camps de fortune autour de l'aéroport, protégé par l'armée française, et dans des églises de la ville. 



Facing the exactions and killings of the Séléka, thousand hundreds of christian civilians find refuge in makeshift camps around the airport -protected by the french army- and in churches of the city. 

L'abbé Elysée, bien connu à Bangui, git dans un lit d'hôpital après avoir été blessé par balle par des assaillants qui ont pu s'armer après la chute de Bangui, ou par des membres "déserteurs" de la rébellion 



Abbot Elysee lies on a bed at the hospital on July 21, 2013 in Bangui, after he was wounded  the young people who were able to arm themsleves after the fall of Bangui, or from those who have decided to go it alone

Le camps de déplacés de l'aéroport de Bangui accueille déjà des centaines de milliers de réfugiés quelques mois après la prise du pouvoir par la Séléka.


A few months after the coup, the displaced camp of Bangui airport already hosts hundreds thousand of refugees.  

Le camps de déplacés de l'aéroport de Bangui accueille déjà des centaines de milliers de réfugiés quelques mois après la prise du pouvoir par la Séléka. 


A few months after the coup, the displaced camp of Bangui airport already hosts hundreds thousand of refugees.  

Entre les maladies et les blessés par balle, le petit centre de santé qu'à installé l'ONG Médecins sans Frontière dans le camps est rapidement débordé. 



The small health center that the NGO Doctors Without Borders is running in the camp has been quickly full with the flood of diseased and wounded persons

Entre les maladies et les blessés par balle, le petit centre de santé qu'à installé l'ONG Médecins sans Frontière dans le camps est rapidement débordé.


The small health center that the NGO Doctors Without Borders is running in the camp has been quickly full with the flood of diseased and wounded persons

A l'hôpital pédiatrique de Bangui, des dizaines d'enfants -parfois délibérément visés par des tirs- sont accueillis chaque jours. 


At the pediatric hospital of Bangui, dozens of children -sometimes intentionally targeted by shootings- are taken in care every day. 

A l'hôpital pédiatrique de Bangui, des dizaines d'enfants -parfois délibérément visés par des tirs- sont accueillis chaque jours.


At the pediatric hospital of Bangui, dozens of children -sometimes intentionally targeted by shootings- are taken in care every day. 

Les églises et monastères des quartiers chrétiens sont pris d'assaut par les déplacés qui craignent les violences des Séléka. 


Churches and monasteries of the city are taken by storm by displaced who fear Séléké violences. 


Les églises et monastères des quartiers chrétiens sont pris d'assaut par les déplacés qui craignent les violences des Séléka.


Churches and monasteries of the city are taken by storm by displaced who fear Séléké violences. 

Les églises et monastères des quartiers chrétiens sont pris d'assaut par les déplacés qui craignent les violences des Séléka.


Churches and monasteries of the city are taken by storm by displaced who fear Séléké violences. 

Les églises et monastères des quartiers chrétiens sont pris d'assaut par les déplacés qui craignent les violences des Séléka.


Churches and monasteries of the city are taken by storm by displaced who fear Séléké violences. 

Bangui, Centrafrique. A l'hopitale communautaire de Bangui, ce jeune homme recoit des soins après avoir été agressé à la machette par des populations musulmanes qui ont tenté de le lyncher

A l'hopital communautaire de Bangui, ce jeune homme recoit des soins après avoir été agressé à la machette par des populations musulmanes qui ont tenté de le lyncher

2ème Partie: "Vive la France"





Part 2: "Long live to France"

Le 5 décembre 2013, la France lance l’opération de maintien de la paix « Sangaris » et envoie plusieurs centaines de soldats à Bangui. 


Le jour même, les milices chrétiennes « Anti-Balaka » lancent une attaque contre différents camps de la Séléka : les combats feront plus de mille morts.


Dans les semaines qui suivent, l’armée française cantonnera les combattants de la Séléka dans différents camps militaires de Bangui, alors que les milices chrétiennes commenceront ce qu’il convient d’appeler une épuration ethnique : les musulmans qui n’ont pas encore fui la capitale seront massacrés.




5th of december 2013. The french army launches a peacekeeping operation called « Sangaris », and send several hundreds soldiers in Bangui. 


The same day, the christian militias called « Anti Balaka » attack different Seleka military camps : the fights will kill more than a thousand people.


On the following weeks, the french army will confine the Seleka fighters in different military camps of the city capital, while the Anti-Balaka will begin what we can call an ethnic cleansing : the muslims who didn’t excape from Bangui will be exterminated. 

Rapidement, la France -qui n'a pas pris parti officiellement- se fait critiquer et prendre à partie par les deux camps qui lui reprochent de ne pas avoir su empêcher les massacres. 


A ses côtés, la force de l'Union Africaine ne semble pas pouvoir faire grand chose non plus pour préserver les populations. 


Officially, France didn't take any position. But each faction of the conflict reproaches them to be unable to stop the killings.


On its side, the African Union force seems to be unable to do anything to preserve the populations. 

Manifestions contre la présence française et en faveur d'une partition du pays. 



Demonstrations against the french presence and in favor of a partition of the country. 

Manifestions contre la présence française et en faveur d'une partition du pays.


Demonstrations against the french presence and in favor of a partition of the country. 

Dans le quartier du PK5, dernier bastion musulman, la présence française entraîne systématiquement des manifestations de la part de la population. 



In the PK5 district, last muslim bastion, the french patrols systematically provokes demonstrations from the populations

3ème partie: Mourir ou partir




Part 2: Die or go. 

Poussé par la communauté internationale, le chef rebelle Michel Djotodia fuit à son tour le pays au mois de janvier 2014. 


La communauté musulmane, un temps protégée par la Séléka et le pouvoir en place se retrouve abandonnée face à un choix cornélien: partir ou mourir. 


C'est le temps de l'épuration ethnique. 




Pushed away by the international community, the chief rebel Michel Djotodia leaves the country in january 2014. 


The muslim community, who has been more or less protected by the Séléka for a time is in front of a cornelian choice: leaving or being killed.


This is the time of the ethnic cleansing.  

Des civils chrétiens manifestent contre les musulmans le jour de la démission de Djotodia



Christian civilians demonstrate against muslims the day Michel Djotodia resigns. 

Des civils chrétiens manifestent contre les musulmans le jour de la démission de Djotodia


Christian civilians demonstrate against muslims the day Michel Djotodia resigns. 

La chute de Djotodia provoque de nombreux pillages et assassinats de musulmans dans Bangui.


Les derniers musulmans tentent de fuir le pays à bord de camions  


The fall of Djotodia provokes several looting and murders of muslim civilians in Bangui 


The last muslims try to escape the country 

La chute de Djotodia provoque de nombreux pillages et assassinats de musulmans dans Bangui.

Les derniers musulmans tentent de fuir le pays à bord de camions


The fall of Djotodia provokes several looting and murders of muslim civilians in Bangui

The last muslims try to escape the country 

Chaque matin, nous découvrons les violences de la nuit passée, durant lesquelles les civils musulmans qui tentent de rester à Bangui se font attaquer. 


Every morning, we discover the violences of the night, during which the muslims civilians who tried to stay in Bangui have been attacked. 

Chaque matin, nous découvrons les violences de la nuit passée, durant lesquelles les civils musulmans qui tentent de rester à Bangui se font attaquer.


Every morning, we discover the violences of the night, during which the muslims civilians who tried to stay in Bangui have been attacked. 

Chaque matin, nous découvrons les violences de la nuit passée, durant lesquelles les civils musulmans qui tentent de rester à Bangui se font attaquer.


Every morning, we discover the violences of the night, during which the muslims civilians who tried to stay in Bangui have been attacked. 

Un petit musulman, accusé d'avoir été un enfant soldat auprès de la Séléka, trouve refuge auprès de l'armée française après avoir été poursuivi par une foule en colère 



A little muslim, accused to be a former child soldier, finds refuge with french soldiers after being chased by a angry crowd. 

Chaque matin, nous découvrons les violences de la nuit passée, durant lesquelles les civils musulmans qui tentent de rester à Bangui se font attaquer.


Every morning, we discover the violences of the night, during which the muslims civilians who tried to stay in Bangui have been attacked. 

Chaque matin, nous découvrons les violences de la nuit passée, durant lesquelles les civils musulmans qui tentent de rester à Bangui se font attaquer.


Every morning, we discover the violences of the night, during which the muslims civilians who tried to stay in Bangui have been attacked. 

Une voiture de musulmans tentant de fuir la ville a été incendiée par la foule. 



A muslim's car, trying to leave the city, has been burn by the crowd. 

Chaque matin, nous découvrons les violences de la nuit passée, durant lesquelles les civils musulmans qui tentent de rester à Bangui se font attaquer.


Every morning, we discover the violences of the night, during which the muslims civilians who tried to stay in Bangui have been attacked. 

Les milices chrétiennes "anti-balaka" s'organisent après la chute de Djotodia. Ils seront en grande partie responsables du nettoyage ethnique en centrafrique. 


The Anti Balaka christian militias organised themselves after the fall of Djotodia. They will be in most part responsible of the ethnic cleansing in central african Republic. 

Epilogue.




Quand on couvre une guerre, on aimerait pouvoir distinguer les bons des méchants. On aimerait y voir une logique simple et manichéenne.


J'ai couvert ce conflit pendant trois ans. En prenant du recul, en cherchant à voir la scène dans son ensemble, il ne m'a jamais été possible de comprendre. Sans doute parce que cette guerre n'a jamais servi "de grands intérêts".


Pour comprendre la haine aveugle qui a créé ce chaos, il faut aller au plus simple, et au plus près de la misère et de la souffrance des hommes, dont le désespoir est tel que la violence est la seule chose qui leur reste.




While covering a war, we would like to be able to distinguish good and bad people. We would like to see a simple and manichaean logic.


I covered this conflit for three years. By taking a global view, and trying to see the big picture, It has been impossible to me to understand. Probably because this war has never served any « greatest interest ».


To understand the blind hatred that created this chaos, we have to search for the most simplistic, and as closely as possible to the misery and the suffer of the human being, whose despair is such powerfull that violence is the only thing left. 


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